Saturday 31 January 2009

DES HOOLIGANS ET DU HOOLIGANISME

Des hooligans virtuels

Les hooligans congolais sur internet mordent tous à l’hameçon du pouvoir à Kinshasa qui agite depuis un certain temps le spectre de la balkanisation ou du complot nilotique, ou encore des juifs africains, pour sauver, dit-on, l’intégrité territoriale. Hier c’était contre l’agression rwandaise depuis l’époque de l’AFDL, ou encore sous la forme du CNDP. C’est sous ce label que Joseph Kabila et son ancien ministre de guerre ont mené la guerre contre la poignée des soldats de Laurent Nkunda. Ils n’ont pas remporté une seule victoire rappelons-le. Mais aujourd’hui on ne parle plus d’agression rwandaise puisqu’il s’est agit d’une invitation telle que l’a communiqué à l’opinion Lambert Mende. L’on croit savoir que, de par les premiers résultats engrangés par la coalition entre deux ennemis d’hier, la seule agression contre laquelle on se bat à l’Est de la RDC n’en est pas une car il s’agit de la rebellion du CNDP. Très vilipendée par une grande frange de la communauté internationale, cette rebellion a le défaut de sa plus grande vertue : avoir eu le courage de mettre en question les institutions en place à Kinshasa, sans pourtant vouloir les renverser, seulement les reformer. On peut timidement avancer que c’est cela qui ne lui a pas été pardonné par les vautours d’hier, et peut-être ceux d’aujourd’hui. Maintenant que cette rebellion est en apparence hors de circuit (seulement en apparence), l’on peut se payer le luxe de refléchir sur d’autres aspects de la récente coalition entre la RDC et le Rwanda.

La victoire du Rwanda : l’isolation de l’ONU

La chose la plus spectaculaire, même plus spectaculaire que l’arrestation du Chairman du CNDP le général Nkunda Mihigo, c’est la victoire du Rwanda sur l’ONU, victoire qui se traduit en l’isolation de celle-ci, et avec elle, la communauté internationale d’une certaine manière. J’ai rapporté ici la manière dont Alan Doss a pataugé pour trouver un semblant de position. Les habituels spécialistes de l’Afrique des Grands Lacs comme Jason Stearns parlant à Christian Science Monitor, attribue cette victoire du Rwanda sur l’ONU en RDC au fait que le Rwanda jouit d’un service d’intelligence plus performant et qu’il garde désir de revanche sur cette organisation depuis les événements de 1994. Le représentant de l’Union Européeenne lui semblait parfaitement à l’aise de retrouver la communauté qu’il représente dans le même isolement. ["The special envoys in the region, the international community, MONUC, - we did not get any official warning. We were not informed," says Roeland van de Geer, the European Union's special representative to the Great Lakes region. Mr. Van de Geer says the lack of information was not an oversight but a deliberate move by two former enemies who have found in the past few weeks an alliance more useful than cooperation with the UN. "[T]he region wants to do it itself," van de Geer says. "They've lost confidence in the UN"]. Il parle de la manière dont le Rwanda a circuité le dialogue entre Kinshasa et le CNDP pour introduire la nouvelle donnée, la dissidence de Ntaganda et ce qui s’en est suivi. La réaction des diplomates, qui avaient accompagné les officiels congolais à Rumangabo pour brasser la branche armée du CNDP ne voulant pas s’afficher aux côtés d’un criminel que la RDC est censée arrêter, n’était qu’hypocrisie.

Objectif fixe de tous : éliminer toute opposition au leadership corrompu de Kin

Tout ce monde là est trop content d’avoir « mis hors d’état de nuire » comme s’en égosillent les hoologans congolais sur internet, Laurent Nkunda et son CNDP. Mais tout ce monde se trompe parce tout simplement, une énième fois, Kabila et ses alliés se trompent au moment d’identifier l’ennemi de la paix en RDC. Le Professeur Kä Mana, qui va encore en prendre de la part des hooligans congolais, a dit à Freddy Mulumba Kabuayi du Potentiel que tout en comprenant la stratégie du Rwanda du point de vue de ce pays, il la condamnait du point de vue congolais. Ses propres termes sont précis beaucoup plus que je ne le dirais. «Du point de vue congolais, je fais plus que désapprouver l’intervention rwandaise : je la condamne. Je la condamne parce qu’elle humilie tout un peuple en le transformant en peuple vaincu, malgré toutes les apparences. Je la condamne parce qu’elle a mis hors du champ de bataille politique la seule personnalité qui pouvait inquiéter le pouvoir en place: Laurent Nkunda, un cerveau trop fécond, une ressource humaine trop riche, un trésor militaire trop fécond, une espérance politique trop précieuse pour être laissé dans les geôles des calculs politiques à court terme. La disparition de Nkunda de la scène politique, après celle de Bemba et Tshisekedi, est une catastrophe pour l’opposition congolaise ». Un congolais lucide qui sait parfaitement ce que symbolisent et représentent Laurent Nkunda et son mouvement. C’est aussi pour cela que la coalition des vautours s’est liguée contre eux, beaucoup plus qu'elle ne s'est jamais liguée contre les génocidaires. Les tutsis congolais sont quantité négigleable aux yeux du Rwanda, de là la manière la plus facile de les humilier à travers la discorde entre Ntaganda et Nkunda etc. Ce qui est certain c’est que la paix ne viendra pas de cette manière là, ajouter discorde sur discorde, ressentiment sur ressentiment ne semble pas être une voie vers la paix.

A Kinshasa on a été intransigeant face aux reformes institutionnelles contenues dans le cahier des charges du CNDP, mais on est en voie de créer une crise institutionnelle plus grave. La chasse aux FDLR ne sera pas une partie de plaisir. Une guerre civile dans une guerre civile sur sol étranger n’augure rien de bon. Le plus vite qu’on arrête tout cela sera le mieux. La prolongation va nécessairement provoquer un chamboulement d’institutions à Kinshasa, sauf sur l’ONU vaincue sur terrain par la puissance montante de l’Afrique centrale se laissera racheter par l’assemblée de l’UA si tant est que celle-ci ait le courage de ramener sur la sellette le dialogue entre Kinshasa et le CNDP tel qu’entamé à Nairobi. Nous verrons ce que nous verrons, une tautologie qui traduit bien la situation.

7 comments:

Anonymous said...

Tout en admirant la clairvoyance et le courage de Kä Mana, je trouve que la situation du Congo et du Rwanda rappelle bizarrement celle de la fable "Le Lion et le Rat" écrite par de la Fontaine.

La RDC a besoin d'urgence d'aide des autres pays africains, voisins surtout, qu'elle le veuille ou non. Elle est dans une situation inextricable et hautement dangereuse.
Elle peut s'en sortir si elle n'était pas dirigée par des houligans. Sinon, ce serait à un coût exorbitant si les Congolais dans leur folie des grandeurs n'écoutent pas la voie de Nkunda pour des raisons d'amour propre fortement déplacé.

Bagambiki

Anonymous said...

Kä Mana condamne l'intervention du Rwanda pour rien car il s'agit plutôt de condamner Kabila et ses supporters d'avoir amené le pays à une tell extrémité d'inanition.

Cette situation n'est pas récente mais ancienne, datant du temps de Mobutu; disons après la chute du gouvernement de Patrice Lumumba.

On ne peut pas penser que l'intention du Rwanda est d'humilier le Congo alors qu'il s'agit de sa sécurité qui est en jeu même si d'autres enjeux pourraient être invoqués.

Il ne faut pas confondre les intérêts des Kabila et compagnie avec ceux du Congo même si le projet Nkunda est pour le moment en veilleuse.
Il faut éviter de faire les amalgames que les vautours créent pour la circonstance et que les houligans Congolais embrayent sans se gêner.
Pourtant, Kä Mana le signifie bien quand il fustige le comportement "Oncle Tom" de certains Congolais soumis à certains milieux politico-religieux bien connus!
Ils en sont venus à détester les Rwandais sans savoir pourquoi exactement, sinon pour avoir dégommé Mobutu l'indéracinable et sa clique. On oublie qu'il a volé au secours de Habyarimana sous l'injonction des Franco-Belges, ses maîtres ou supposés Noko.

Bagambiki.

Part of Goma said...

Mais je pense que quand il accuse les congolais d'inintelligence il inclue bien le rais! N'est-ce pas une condamnation dure quoi qu'objective?

Anonymous said...

Kabila, Rais ou pas, n'est que la conséquence malheureuse de la situation actuelle du Congo.
Pourquoi? Parce que Lumumba n'a pas compris que "narguer" le roi Baudouin I et la Belgique en 1960 le vouait à la déchéance et à des punitions exemplaires. On a vu la suite.

Aussi, Kabila n'est pas à sa place, il est là par accident: la mort de son père et le choix des vautours de le mettre à sa place. Même, chose incroyable, il a dû prononcer un discours en Belgique pour contredire Lumumba tellement cela démangeait le gouvernement et surtout la couronne belge!!!
Le lien suivant explique un peu ce type de complexe colonial:
http://www.dailymotion.com/video/x7ytl_le-phenomene-colonial-part-1

Kä Mana possède une lucidité étonnante par les temps qui courent même si on peut comprendre sa rancœur légitime pour l'intervention du Rwanda au Congo.
Il n'a pas compris que le Rwanda ne le fait pas par plaisir ni volonté de "narguer" le Congo d'autant qu'elle n'est pas à durée indéterminée et qu'elle risque, à échéance, de causer des problèmes aux deux pays si elle tourne mal.
Je vois mal le Rwanda accepter d'être attaqué par le FDLR pour faire plaisir aux Congolais.

Stratégiquement, le Rwanda doit désamorcer le FDLR coûte que coûte pour être sûr de survivre. Et le Congo actuel ne peut lui garantir la sécurité avec le FDLR dans tous les rouages de la RDC jusque dans l'armée.

Malheureusement, peu de Congolais et bien d'autres Africains, comprennent cela et le fait que la RDC est responsable des risques que courent la région en logeant ce mouvement et en armant sa branche militaire. Pire, les FARDC collaborent au grand jour avec cette force militaire. Les deux peuvent bientôt atteindre le seuil critique de supplanter les RDF.
On peut penser et croire que les Flahaut et ses successeurs s'y consacrent avec dévotion par formation et fournitures d'équipements.

La question à 100 points est de se demander si les hautes autorités rwandaises étaient obligées d'agir contre Nkunda et de jouer avec le "fou" Ntaganda, comme aux échecs.
Pas nécessairement, mais il fallait faire un échange pour conclure un marché tout en essayant de gagner la confiance.

Comme je l'ai écrit, l'évolution actuelle des événements montre que Kabila et son équipe peuvent voler en éclat et se trouvent dans une phase critique. Un arrêt sur image montre la RDC comme un corps inerte en considérant sa masse. A la limite, Nkunda et le CNDP n'ont fait que peut-être compliquer cette situation.

Quelque soit l'issue de l'intervention du Rwanda, le CNDP a le devoir de continuer avec d'autres méthodes et moyens pour parer aux problèmes à venir.
Il y a une certaine autre majorité silencieuse au Congo qui veut s'en sortir mais manque de leadership capable sans se compromettre avec les vautours.

Bagambiki

Part of Goma said...

Je ne sais pas qu'en pensent les membres du CNDP, mais je crois qu'ils sont conscients de cette majorité silencieuse. C'est incroyable qu'un homme aussi lucide que Kä Mana ose avouer que Nkunda a la personnalité qu'il faut pour cette majorité silencieuse, au moins sur le plan de la constance de son discours. J'ai son cahier des charges et à chaque fois que les congolais l'accuse de le changer, je l'examine et je trouve qu'il ne s'en eloigne jamais. Tout au plus il l'explicite. Le problème maintenant est de savoir si le CNDP est capable de se remettre des manoeuvres suicidaires d'un Boscon Ntaganda. Vous dites bien que le CNDP doit trouver d'autres moyens. Et j'ajouterais que dans la discrétion la plus absolument: underground resistance en plein siècle 21... Et le Rwanda en agissant contre Nkunda, tout en connaissant l'impossibilité de résoudre la question FDLR en peu de temps, avait-il vraiment calibré le coup? We'll see what happens.

Anonymous said...

Mon analyse est celle-ci:
Le Rwanda a eu une fenêtre rare pour s'introduire dans l'espace congolais pour son problème de FDLR. Ceci, suite à un événement fort et inespéré.

Tout comme aussi, cette intervention a créé un choc salutaire qui a fait diversion dans la haute sphère politique congolaise. Le Rwanda, le petit poucet, a créé une fois encore une autre opportunité au Congo pour se ressaisir.

Bien entendu, il appartient à ce beau monde de comprendre ou pas ce qu'il y a de mieux à faire que du houliganisme et du théâtre de marionnettes.

Il est possible, et c'est facile de le constater par les réactions défavorables de l'EU envers le Rwanda et le CNDP, que ce mouvement, le FDLR, avait probablement atteint un seuil critique pour renverser la situation au Congo et ce, avec l'aide étrangère et une grande faction des milieux bien connus congolais.
Les milieux politico-financiers EU ont besoin de l'Afrique, Congo entre autres, pour se ressourcer face au débâcle de l'économie mondiale. Les Noko sont des ogres ...
D'où l'enjeu n'est pas seulement la RDC et son voisin, mais bien intercontinental.

La situation actuelle n'est qu'un temps mort pour le CNDP et Nkunda, le temps pour le Rwanda de réduire cette menace en démantelant ce mouvement hautement dangereux. De fait, le Rwanda semble être bien informé et est bien armé. Il a joué en priorité et par surprise de façon magistrale et quasi imparable mais sur un temps et espace mesurés.

Les ONG, les milieux religieux surtout catholiques et les médias ainsi que la fumeuse communauté internationale affichent une sympathie à peine dissimulée envers le FDLR et les milieux pro-Hutu Power. Ils vont jusqu'à en minimiser sa force et sa dangerosité pour ses revendications basiques et politiques.

Sans cet accord RDC - Rwanda, il était impossible légalement pour le Rwanda d'intervenir efficacement et le CNDP risquait de connaître avec le Rwanda des moments très durs suite à cette possibilité de retournement politico-militaire de la RDC.

Prochainement, nous allons connaître l'ampleur de cette menace avec les déminages qui s'en suivront. Il faut croire que Kamerhe serait déjà un début du rébus à résoudre.
Cela devient plus qu'une hypothèse de travail mais un cas clair.

Le CNDP doit impérativement se réajuster et profiter de cette opportunité pour créer une alliance de la voie du milieux avec d'autres forces qui affichent le patriotisme, la fraternité inter-congolaise et inter-africaine surtout avec les pays directement limitrophes.

Pour tout dire, il n'est pas interdit de penser que le facteur Barak Obama puisse déjà avoir des incidences fortes en Afrique et ailleurs dont le Kivu. La suite risque d'être difficile pour tout le monde.

Bagambiki

Part of Goma said...

Pensez-vous que les services secrets rwandais et ougandais laisseront au CNDP le loisir de se reajuster? Pourtant je crois que face au délai imparti à leurs opérations, ils ont tout intérêt (politiquement et même économiquement... et diplomatiquement) à ne pas museler ce mouvement ni entraver sa résistance et sa vision de la RDC face à Kinshasa. Ils ont besoin d'africains capables de devenir des interlocuteurs, non des marionnettes.