Reprenons les faits à partir de la lettre adressée aux Congolais par le CNDP le 16 novembre 2006. J’en ai cité un extrait qui soulignait que « Les partisans du pouvoir pour le pouvoir, les tenants du status quo, les serviteurs d’intérêts extérieurs, présentent des bilans qui ne permettent pas au peuple d’évaluer ni le degré de la décomposition de l’État ni celui de l’état sinistré du pays. Il y a une absence totale de vision et d’orientation nationale ». Ce sont ces mêmes partisans qui, aujourd’hui brouillent toutes les cartes pour essayer d’imprimer un nouveau cours au destin de la RDC.
Le rythme auquel les cartes sont brouillées a atteint une intensité particulière à partir du moment où les « vautours », malgré la force de leur capacité de convaincre l’ONU, se sont rendus comme que, même si le Conseil de sécurité a autorisé l’augmentation des troupes pour la MONUC, il serait pratiquement impossible d’en trouver. D’où l’idée toute française de troupes européennes de relai ou d’intervention temporaire. Ne pouvant pas décider isolément de cet envoi, le lobby de la Françafrique a pesé lourd dans la demande que Ban Ki Moon a adressée à la Belgique à cet effet. Je crois avoir dit ici que la nouvelle rencontre de Nairobi n’était organisée que comme mécanisme permettant de temporiser, histoire de permettre à la lilliputienne Belgique de convaincre la géante UE de mener une guerre régionale dans les Grands Lacs Africains. De Gutcht ne jure plus que par une solution militaire, quoi qu’hypocritement il affirme que c’est pour des raisons humanitaires, une responsabilité morale de l’Europe et bla, bla, bla. Olosegun Obasanjo et Benjamin Mkapa ont agi dans cette logique quand ils ont accepté d’initier des pourparlers entre le CNDP et une délégation du gouvernement congolais sans mandat formel. Se disant disposés à tout faire pour permettre un franc dialogue vers la paix, ils ont cependant vite fait de se déclarer incompétents de traiter les questions de fond à l’origine de la crise congolaise telles que les exposait la délégation du CNDP.
Les fameux partisans du status quo, serviteurs d’intérêts extérieurs (…) ne permettant pas au peuple d’évaluer le degré de décomposition de l’État, ont tous tiqué quand ils ont vu que le CNDP n’est pas un mouvement médiocre qui se contenterait de revendications sans effets pour l’ensemble du peuple congolais. C’est pour cela qu’ils ont chronométré la sortie de plusieurs de leurs cartes supposées faire taire le Mouvement, ou tout au moins le contraindre à faire des concessions à leur goût. La première de ces cartes gagnantes était vouée à l’échec : il s’agit des tentatives infructueuses de Karel de Gutcht. Le vieux renard Louis Michel a décidé d’entrer en scène, fort du renfort médiatique que l’ONU pouvait lui fournir, à savoir le rapport d’un panel d’enquêteurs indépendants, organisé sous l'égide du Conseil de Sécurité de l’ONU, donc un rapport relatif au soutien fourni aux différents protagonistes de la crise au Kivu. Quand on sait que le panel était présidé par Jason Stearns, on comprend très bien la partialité du rapport, qui n’étonne d’ailleurs pas ceux qu’il a incriminés. Le mélange du discours guerrier (les troupes) sous couvert d’action humanitaire, les menaces contre les mêmes acteurs capables de trouver de solutions parce qu’intéressés au premier chef, et les propos aventuriers de Louis Michel, sans oublier le refus d’Obasanjo d’affronter les questions de fond de la politique congolaise qui soutendent la crise, mettent à nu le vrai visage de la nébuleuse communauté internationale, qui semble être la moins intéressée par la paix. La dite communauté internationale découvre son visage chaque fois davantage, mais on peut en résumer les dernières révélations à la lumière de l’évolution actuelle de manière suivante :
1) La communauté internationale insiste toujours sur des stratégies dont l’échec est plus que patent, surtout prouvé par son appui au maintient d’un conflit armé. Ces stratégies ayant échoué semblent arranger une partie au conflit, à savoir le gouvernement de Joseph Kabila et ses alliés les génocidaires installés en RDC par la France et l’ONU depuis 1994. D’où l’attachement presque maladive au programme Amani cher à Joseph Kabila et que l’on cherchait à ressusciter à Nairobi cette semaine, n’eût été la clarté des vues du CNDP. Dans ce contexte, il est important de rappeler que la conférence de Goma sur laquelle on a greffé le programme Amani était, en soi, un moyen pour Kinshasa de noyer l’acte de Nairobi de Novembre 2007 qui l’obligeait à affronter une des principales raisons de la crise. En soutenant Kinshasa dans ce sens, la communauté internationale montre qu’elle soutient son option guerrière d’autant plus que le gouvernement a violé les différents cessez-le-feu sans que la communauté internationale lui reproche quoi que ce soit. Ceci tout en sachant que, comme certains diplomates osaient le reconnaître en privé, que la conférence de Goma et le programme Amani n’étaient qu’un jeu de dupes.
2) Le plan de désengagement présenté par Alan Doss à la mi-septembre incluait un cessez-le-feu violé par les offensives de la coalition FARDC-FDLR contre le CNDP, sans que cela n’ait suscité aucune observation de la part de la MONUC. Ce qui a permis aux FDLR, MAI MAI, PARECO et autres milices progouvernementaux d’augmenter l’ampleur de leur contrôle. Les FDLR sont allées jusqu’à revendiquer leur mainmise sur la cité de Masisi, tenez-vous bien auprès de l’ONU. La collaboration entre les FARDC et les génocidaires n’a jamais entraîné une condamnation décisivement claire de la part de la communauté internationale. D’où la terrible hypocrisie du rapport du panel de Jason Stearns qui se veut plutôt vengeur contre précisément le CNDP et le Rwanda, par le fait que ce sont les seuls acteurs publics qui osent défier l’establishment international qui impose à la RDC la présence destructrice des génocidaires. Le tollé que suscite ce rapport n’a pas plus d’air dans ses voiles que n'en avait celui que les ONGs ont soulevé la semaine précédente à propos des déplacés. On recourt aux prétextes et aux faux arguments pour décider un cours erroné vers la paix. Il faut être effronté pour parler d’officiers rwandais au sein du CNDP sans mentionner que depuis longtemps, les officiers FDLR dirigent l’armée congolaise, en l’occurrence le second en commande de la 8ème Région militaire tel que le soulignait la lettre du CNDP citée en début de cet article.
3) Nous pouvons donc dire que tout a été préparé pour créer une situation encore plus inextricable en RDC en focalisant toutes les énergies d’une diplomatie nocive au Kivu. La sortie de Louis Michel qui a régalé les media en affirmant avoir reçu de Kagame l’autorisation d’aller dire à Nkunda de faire des concessions (à Louis Michel), les soi-disantes révélations du panel de Jason Stearns au moment où Obasanjo était incapable d’exiger de Kabila un mandat formel de la délégation du gouvernement au négociations avec le CNDP, pendant que Karel de Gutcht échouait dans sa démarche militariste, peuvent être considérés comme des ingrédients destinés à assener un coup mortel à l’inébranlable CNDP. Ce qui reste à voir. En effet il est aisé de faire et défaire un scoop politique dans les média, mais il n'est pas aisé de défaire une cause pour laquelle des hommes et des femmes intègres sont prêts à perdre leur vie.
Nous saurons dans un avenir très proche où menait tout le tintamarre de la diplomatie marchande en fin de semaine dernière. En attendant, nous pouvons seulement affirmer que les 500 millions d’euros payés par les européens pour faire élire Joseph Kabila à la présidence de la République constituent le prix auquel la liberté du peuple congolais a été vendue par le leadership congolais aux vieux renards tels que Louis Michel et tout ce que celui-ci représente. Et il faut dire que c’est un vil prix que le peuple ne mérite pas. Laurent Nkunda et le CNDP le savent et c’est pour cela qu’ils luttent pour recouvrer cette liberté. On leur reproche de vouloir claquer la porte de toutes les négociations. C’est qu’à chaque fois, ils se retrouvent devant des rapaces qui veulent garder le peuple congolais prisonnier de toutes sortes de prédateurs et génocidaires. Cela fait deux ans que ce prix a installé Kabila à la tête d’une démocratie selon Louis Michel, mais c’est plutôt à la tête d’une démocrature !