Monday, 5 August 2013

René Abandi : « La France est à la tête d’un axe qui prône la solution militaire de la crise au Kivu »


René Abandi : « La France est à la tête d’un axe qui prône la solution militaire de la crise au Kivu »

Interview du représentant du M23 aux négociations de Kampala

2/08/2013 Documents
René Abandi est le ministre des Affaires étrangères du M23 et le chef de la délégation de son mouvement présente à Kampala, en Ouganda, où se déroulent les pourparlers de paix avec Kinshasa. Après l’avoir joint par téléphone à Nairobi, au Kenya, où il a été invité comme observateur du M23 à la réunion en cours de la conférence internationale de la région des Grands Lacs, il a bien voulu accorder une interview à l’Agence d’Information.
Cette haute personnalité de l’opposition politico-militaire au gouvernement de la République démocratique du Congo confirme l’engagement de son mouvement dans la recherche d’une voie pacifique pour un arrêt définitif des combats. Mais il dénonce en même temps la volonté de reprendre la guerre de la part de Kinshasa et de la MONUSCO.
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A.I. M Abandi, la Conférence internationale des pays de la région des Grands Lacs (CIGRL) est depuis l’été 2012 engagée dans le recherche d’une solution pacifique de la crise dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Dans cette session de Nairobi, qui est encore en cours et à laquelle vous avez été convié, ce soutien à la paix qui a été réitéré suffira-t-il à éviter la reprise des combats conséquente au communiqué guerrier de la Mission de l’ONU en RDC (Monusco) du 30 juillet dernier ?
René Abandi. Je constate que la CIRGL est toujours en bonne position pour exercer la fonction qui est la sienne de trouver un règlement négocié au différend entre le mouvement dont je fais partie et le gouvernement de Kinshasa. Les chefs d’Etat de la CIGRL et leurs représentants réunis ici au Kenya n’ont pas caché leur étonnement face à la décision de la Monusco de lancer un communiqué en forme d’ultimatum adressé au M23. Ils ont fait remarquer que cela a été fait sans aucune consultation préalable avec les membres et les organismes du système des Nations Unies dans la région des Grands Lacs. Nous savons que le Secrétaire Général des Nations unies, M Ban Ki Moon lui-même, n’était pas d’accord avec ce communiqué. Pour cela, on a pu constater dans les dernières vingt-quatre heures une sorte de marche en arrière de la part de la Monusco. La CIRGL, quant à elle, a en revanche sollicité la reprise des pourparlers de Kampala entre le M23 et Kinshasa.
A.I. Moult analystes ont eu l’impression que le communiqué de la Monusco découle d’une décision prise en accord avec le président Kabila qui se sert d’un discours militariste pour faire face à son impopularité grandissante.
R.A. Le diagnostic est exact. C’est une tentative, de la part de M Kabila, de se refaire une popularité après avoir perdu le consensus des Congolais. Il essaye de trouver un bouc émissaire pour cacher ses responsabilités dans la faillite de sa gestion du pouvoir. Son but est aussi celui de préparer l’opinion publique à une modification de la Constitution pour qu’il puisse briguer un troisième mandat à la prochaine présidentielle.
A.I. Quelle analyse portez vous sur le rôle de la France dans la région ?
R.A. L’approche de la France et celui du Secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki Moon, ainsi que de son envoyée spéciale dans la région des Grands Lacs, Mme Mary Robinson, sont divergents. La France est à la tête d’un axe qui englobe Kinshasa et la Monusco et prône la solution militaire de la crise au Kivu. Elle se sert évidemment, au sein des Nations unies, du Département des opérations de maintien de la paix (DPKO, selon l’acronyme anglais) qui est dirigé comme depuis toujours, par un Français, M. Hervé Ladsous. Je crois qu’on peut parler d’une ligne de fracture qui traverse l’appareil onusien et sépare son Département politique du DPKO.
A.I. Revenons au communiqué du 30 juillet de la Monusco. Il établit une sorte de zone tampon à nord de Goma, avec le but prétendu de sécuriser les populations. Que est-ce que vous en pensez ?
R.A. Cette « Zone de sécurité » est en réalité un alibi pour en découdre avec le M23, qui est visé. De quel périmètre de sécurité peut-on parler, lorsqu’on sait que cette zone a été occupée en grand nombre par les soldats de l’armée régulière (FARDC) et par les miliciens de leurs alliés génocidaires (FDLR). Selon non informations, les FDLR y ont déjà mobilisé leurs forces de réserve, c’est-à-dire quatre bataillons.
A.I. Suite au communiqué de la MONUSCO, des pogroms ciblant la communauté rwandophone sont à nouveau en train d’avoir lieu dans la ville de Goma. Pouvez-vous le confirmer ?
R.A. Des arrestations et des enlèvements extrajudiciaires sont en effet en cours à Goma et on est en train de préparer une liste de noms à fournir à la presse. C’est une véritable chasse à l’homme dans laquelle on vise autant les gens qui sympathisent pour le M23 que les membres de la communauté rwandophone en tant que tels. Et il est très grave que ce genre d’opération ait été suggéré par Human Right Watch qui dans son dernier rapport sollicite l’arrestation de civils lié au M23. C’est un autre signe que ce qui se passe à Goma n’est pas un problème pour la dite Communauté Internationale, comme ne l’est pas le crime de guerre commis à Rumangabo par l’aviation de Kinshasa qui a délibérément visé la population civile. La mort de tous ces gens n’a pas de valeur car ils sont considérés liés au M23 et on établi même une censure sur ces informations.
A.I. Allez vous bientôt rentrer à Kampala pour la reprise des pourparlers ?
R.A. Je vais partir ce soir pour rejoindre Kampala et le processus de paix, mais je suis conscient que le gouvernement ne veut pas la paix. Je ne crois pas que leur délégation soit à l’heure actuelle présente dans la capitale ougandaise. Kinshasa joue depuis toujours au pourrissement, une attitude dans laquelle ils sont très forts.
A.I. Comment est la situation sur le terrain ?
R.A. Notre moral est certainement plus haut que celui des FARDC. Nous sommes pour la paix mais prêts à nous battre si nous sommes attaqués. Nous avons les raisons, la force et les moyens pour nous défendre.
Propos recueillis par Luigi Elongui

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