Wednesday 8 October 2008

À QUOI RIMENT LES CONDAMNATIONS EN CASCADE?

  • Il y a quelques jours, le CNDP a rendu publiques des précisions nouvelles à la formulation de sa lutte. Personne n'est surpris des condamnations en cascade qui pleuvent sur le leader du Movement, simplement parce qu'il a osé affirmer, par téléphone, à quelques journalistes étrangers, le malaise profond qui imprègne le pays. Les condamnations de la part du leadership de Kinshasa et de toute la communauté internationale sont proportionnelles à leur dernière manoeuvre manipulatoire: quand "l'éminente" Braeckman insinue une rumeur sur son blog, il s'agit toujours d'une alerte à dimension et portée internationale. Et elle avait suggéré que le leader du CNDP serait ou grièvement blessé, ou mort sur le champ de bataille, et dans le meilleur des cas, il serait hospitalisé, à Kigali bien sûr. Le networking entre les médias, le leadership à Kin et la communauté internationale forme une ligue puissante, si puissante que la hiérarchie militaire des FARDC, comptant sur la vraisemblance de la rumeur, a montré les biceps. J'ai rapporté ici les propos du général Kayembe.
  • La sortie, pour le moins ostensiblement remarquée, du Général Nkunda a sans doute été une surprise pas très agréable pour cette ligue qui défend des intérêts absolument opposés au bien-être du peuple. D'où l'immédiate condamnation d'abord de la Monuc, ensuite de Ross Mountain, les dernières en date étant celle du département d'Etat amercain par Robert Wood, et celle du familier de la politique Congolaise qu'est Karel de Gutch. Que cachent ces déclarations fracassantes qui sont invariablement accompagnées par le rappel au CNDP de regagner le programme Amani. On dirait que ces messieurs ne lisent pas l'actualité car, on le sait bien, le CNDP a expliqué inlassablement pourquoi il s'est retiré du programme. Une de ses dernières correspondances avec Mr Alan Doss affirme catégoriquement le refus de regagner le programme et les raisons qui motivent ce refus. Cette espèce de sourde oreille ou d'aveuglement voulu que le leadership de Kinshasa et la communauté internationale affichent contre le CNDP est une stratégie presque mobutienne. Au lieu de traiter un adversaire respectueux avec respect en dialoguant avec lui, on préfère l'ignorer comme si cet ignorance était capable d'enrayer les questions politiques qui fondent la dissidence de l'adversaire. Si l'on peut comprendre cette attitude dans le chef d'un Kabila qui se caractérise par le mutisme en public, tout en se laissant mener par les divisionnistes de son équipe, on ne comprend pas du tout pourquoi la communauté internationale, qui prétend emmener la paix et la démocratie, se range invariablement du côté d'un pouvoir qui opprime le peuple. Ce peuple fait piètre figure en gobant indistinctement les mensonges des médias qui disent que le Congo n'a pas besoin de libération! Un peuple tenu en otage par un pouvoir qui ne fait rien est un peuple opprimé, qu'il l'admette ou pas. Et n'en déplaise aux nombreuses associations de la société civile (si vile disent certains?) du Nord comme du Sud-Kivu, car l'on sait que leur existence et leur survie tient à un discours divisionniste et même proprement raciste.
  • A quoi rime alors l'appui que la communauté internationale donne indéfectiblement à un pouvoir qui plonge le pays dans un marasme endémique? Car leur clameur contre la déclaration de Nkunda n'a d'autre raison que soutenir le régime de Kabila. Ces condamnations ne seraient-elles pas un aveu voilé de la peur? Après tout le droit d'un peuple à se soulever contre une dictature, soit-elle approuvée par un Robert Wood, un Karel de Gutch, un Alan Doss etc., fait partie de l'ancienne et vieille déclaration des droits de l'homme que l'Illuminisme français a rédigée pour la posterité. Son cadre général est celui du droit des peuples à disposer d'eux-même. Je ne partage pas du tout la vision illuministe de la politique, mais par contre je trouve parfaitement honnête le droit à l'insurrection comme ultime recours quand on n'en a plus d'autres. La constitution française de 1793 qui a le plus influencé les constitutions africaines après l'indépendance fut la première à décreter que quand un gouvernement bafoue les droits du peuple, l'insurrection est même un acte sacré que le peuple se doit de poser. Même à ce niveau, le leader du CNDP semble être en avance sur les politiciens budgétivores qui peuplent le leadership kinois. L'appui de la communauté internationale au programme Amani est simplement la dernière, en date bien sûr car il y en aura d'autres, des ambiguïtés qu'adopte cette communauté dans les affaires des Grands Lacs.
  • C'est évident qu'il y a des enjeux au niveau du pouvoir global qui doivent être protégés. Mais le CNDP n'est pas un danger pour une globalisation inclusive. Il est un danger pour une politique internationale à double langage. Et cela, ces acteurs là le savent et ils craignent cette détermination à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Leurs condamnations en cascade sont des réactions défensives. Les congolais savent très peu de choses sur les groupes étrangers qui se partagent le gateau sur leur dos. Ce sont ces mêmes groupes qui soutiennent un gouvernement aussi prédateur que son armée. En février 2008, Keith Harmon Snow publiait un rapport frustrant sur les entreprises minières qui tiennent en otage le leadership congolais, à tel point qu'il affirme que le duel entre Kabila et Pierre Bemba n'était qu'une bagarre entre deux black gatekeepers for the mining cartels run by dynastic families. Quoi que ne partageant pas ses opinions, j'avoue qu'il semble bien connaître ces cartels. Et il en donne la liste, que j'estime non exhaustive, puisqu'on sait de quel côté il penche lui-même. Si les congolais ne se contentaient pas de répéter des slogans médiatiques servis par les sbires du gouvernement, ils pourraient voir la vérité en pleine figure. Il suffit de la chercher.
  • Cela commence à arriver. L'article laborieux du professeur Kä Mana, que j'ai posté hier, en est la preuve. Il y a des passages qui sont capables d'émouvoir par leur sincerité. Il avoue qu'il était comme tout le monde, convaincu que "le CNDP n'était qu'un mouvement d'anéantissement de la nation congolaise au profit du Rwanda (...). Cette évidence que je portais en moi et qui me portait consciemment ou inconsciemment comme elle porte beaucoup de congolaises et de congolais n'a pas résisté à l'épreuve de la réalité que j'ai vue". Cette réalité là lui a fait voir, entre autre, la vacuité du langage de la hiérarchie militaire congolaise qui continue avec acharnement son option belliciste. Il n'est pas le seul à avoir constaté cela. En voici un autre http://www.congoone.net/Allstory.php?Id=1354
  • Il faut du courage pour un congolais de reconnaître que toute la rhétorique contre Nkunda et son CNDP n'est qu'un voile pour empêcher le peuple de se prendre en charge, et de se débarrasser de l'oppression. Tous ceux qui, en ces 72 heures, ont déversé des condamnations dans les médias supposent que l'insurrection du peuple doit être une prise de pouvoir par la force ou par les armes. Ils oublient que Marcos a été chassé du pouvoir par un peuple entier qui s'est pacifiquement insurgé contre lui en ne bougeant pas de devant son palais. Les armes ne crépitent au Kivu que parce que le gouvernement surmilitarise la zone et travaille avec les FDLR. Seul Kinshasa utilise un langage de guerre que, malheureusement, la communauté internationale d'aujourd'hui ne condamne pas!

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