Saturday, 19 September 2009

COLETTE

Congo : « montrer aux gens que le travail a commencé »
COLETTE BRAECKMAN

vendredi 18 septembre 2009

Homme d’affaires et homme politique, Moïse Katumbi Chapwe, 45 ans, est l’une des étoiles montantes de la scène publique congolaise. Gouverneur élu de la province du Katanga depuis février 2007, il a, à ce titre, inspiré largement le dernier film-document de Thierry Michel, “Katanga Business“. Nous l’avons rencontré cette semaine à l’occasion de la réouverture du consulat belge de Lubumbashi.

BELGA
ENTRETIEN
LUBUMBASHI
DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE

Pourquoi êtes-vous si critique à l’égard du gouvernement de Kinshasa ?

Parce qu’il ne tient pas ses promesses : alors que le pouvoir central nous avait imposé un budget, plus modeste que celui que nous souhaitions, en s’engageant à la financer, il ne l’a fait qu’à raison de 20 %. A Kisangani, lors de la réunion des gouverneurs de province, une avance nous avait été promise afin de nous permettre de fonctionner : c’était il y a quatre mois, et rien ne nous est parvenu… Je l’ai dit au Premier ministre « je ne sais pas où nous allons… »
Il devient très difficile de gouverner : dans le nord de la province, il y a eu la guerre, les gens ont besoin de tout et nous ne pouvons rien faire. Partout les travaux sont bloqués, nos engins de travaux publics ne peuvent pas fonctionner… Et pourtant nous envoyons de l’argent à Kinshasa : 80 millions de dollars par mois, mais rien ne nous revient, alors que la loi prévoit que 40 % des recettes soient rétrocédées aux provinces… Même avec 10 % de cette somme, nous pourrions déjà faire quelque chose. En 2011 si je dois me présenter comme député, quel bilan vais-je pouvoir présenter ?

Le Katanga connaît-il une certaine reprise économique ?

La situation commence à s’améliorer, les banques recommencent à prêter aux sociétés minières, nous reprenons peu à peu nos exportations, qui atteignent déjà 60.000 tonnes de cuivre par mois, contre 25.000 auparavant. Nous avons supprimé beaucoup de taxes illégales à l’exportation mais malgré cela nos recettes augmentent… Nous profitons aussi de la reprise pour mettre de l’ordre : les entreprises qui avaient fui la province lors de la crise, sans même payer les travailleurs ou s’acquitter des taxes, ne sont plus les bienvenues. Quant aux creuseurs, qui étaient en train de mourir dans des trous, nous essayons de défendre leurs intérêts : les sociétés qui achètent leur production doivent désormais préparer les sites, assurer les travaux qui en découlent. Les sociétés sont responsables de la sécurité : elles savent que si par malheur il y a encore un mort, elles seront poursuivies en justice…

Comment se porte la Gécamines ?

Je ne connais pas les projets du PDG Paul Fortin, mais la production n’a pas réellement repris. Des 300 millions de dollars que les Chinois devaient payer pour financer la relance, la Gecamines n’a reçu que 50 millions… Le reste est resté à Kinshasa… Et cela alors que c’est le Katanga qui doit financer les cinq chantiers lancés par le chef de l’Etat…
Croyez-vous que ces chantiers seront terminés lors des élections qui devraient avoir lieu en 2011 ?
C’est impossible, mais il faut que les gens voient que partout le travail a commencé. Il faudra alors donner au président un nouveau mandat pour qu’il puisse poursuivre le travail… C’est mon point de vue… Il faudrait aussi que le président soit entouré de gens capables de suivre ces chantiers : pour l’instant, c’est lui seul qui court partout pour inaugurer, suivre les travaux, vérifier le travail… Ce sont les cinq chantiers du peuple congolais, et où sont les ministres ? Le président est tout seul…

Pourquoi Golden Misabiko, le président local de l’association de défense des droits de l’homme Asadho a-t-il été mis en prison ?

C’est le président de l’Asadho à Kinshasa qui avait écrit que le site de Shinkolobwe, où se trouve la mine d’uranium, était toujours exploité par les creuseurs. Une affirmation très grave, formulée à la veille de l’arrivée de Mme Hillary Clinton au Congo. Dès que cela fut publié, une mission de la Monuc s’est rendue sur place, et invitée à l’accompagner, l’Asadho ne s’est pas présentée. Moi-même j’ai vérifié : il est apparu que le site était bien gardé, que l’exploitation clandestine y était impossible, que des détecteurs d’uranium placés aux frontières n’avaient rien relevé. L’Asadho, priée de fournir des preuves, a été incapable de le faire et le gouvernement central a donc porté plainte. Son communiqué était donc faux, et nous avons conclu qu’il avait été émis dans l’intention de nuire aux autorités de la province et de la république, de ternir l’image du chef de l’Etat dans un moment important, car chacun sait qu’évoquer l’uranium et de possibles trafics, cela rend les Américains nerveux… Or il n’y avait rien du tout…
Vous savez, dans ce pays, les ONG racontent ce que soufflent leurs partenaires en Europe, ceux qui les financent… Nous, nous voulons qu’elles fassent réellement leur travail au lieu de faire de la politique, de vouloir mouiller l’image de notre pays… Ma porte en tout cas est toujours ouverte, au cas où ces ONG souhaiteraient vérifier leurs affirmations…

Etes vous satisfait de la réouverture du consulat belge ?

Certainement, car les Belges nous aident beaucoup, entre autres pour récupérer les enfants de la rue, pour assainir l’eau, développer l’agriculture… La population est satisfaite… Mais je trouve que le gouvernement belge devrait envoyer au Congo de jeunes opérateurs économiques, qu’il faudrait financer de petits projets qui seraient mis en œuvre par de jeunes Belges, soutenir des PME… Il faut organiser la relève car nous considérons que les Belges, eux au moins, sont toujours très corrects avec nous, je compte sur eux à 100 %…

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