C’est de la lune de miel entre la RDC et le Rwanda dont je parle. Elle a l’air de s’étendre et s’amplifier si l’on s’en tient à certains faits. L’échange d’ambassadeurs entre les deux pays est chose faite. L’éviction du gouvernement rwandais de l’artisan des accords absurdes d’Ihusi en la personne de Rosemary Museminali et son remplacement par une autre « dame de fer » à la rwandaise, action affirmative oblige, en la personne de Louise Mushikiwabo. Elle est parfaitement bilingue et s’adapterait mieux aux circonvolutions linguistiques des sophistes qui peuplent la diplomatie congolaise, s’il en existe une. La lune de miel se porte même mieux du côté commercial: il y a eu le lancement des vols des avions de la compagnie Rwandair sur Goma et Kinshasa. Il semble que les ignorants techniciens de la classe congolaise doivent aller incessamment suivre des cours intensifs à Kigali. Il s’agit pour les kinois d’apprendre à créer un environnement propice aux investissements étrangers. Il s’agira pour les rwandais d’impartir leurs connaissances extraordinaires aux congolais ! Et les xénophobes chantent encore que les congolais haïssent les rwandais, haha. Il ne faut pas oublier, dans cette série des faits prouvant la bonne santé de la lune de miel rwando-congolaise, la récente présence physique de Joseph Kabila à Goma pour recevoir les « lettres de créance » du nouveau chef de la moribonde insurrection Ntaganda.
Cependant, malgré tout ceci, ou dans l’entre temps, Dongo brûle ou s’il ne l’est pas, il y a un flou sécuritaire ou une nouvelle poche « insécuritaire » créée. Elle ne semble en aucun cas perturber le calme du rais. Les vautours « humanitaires » crient à qui veut l’entendre que le Kivu est au bord d’un autre éclatement, mais Mende parle de l’autorité de l’Etat que Kabila rétablit en personne via ses visites éclair d’un coin à l’autre du pays. La MONUC négocie sa délicate extension de mandat. Les français, patrons des missions de paix à l’ONU et donc ayant droit au chapitre quand il s’agit d’incruster les casques bleus quelque part, vont sans doute finir par incruster la MONUC en RDC comme la France y a incrusté les FDLR. Ne me dites pas que ce n’est pas ridicule de parler d’une extension de 5 mois pour protéger les civiles (jamais protégés), et ensuite un retrait progressif ! C’est qu’on nous prend pour des idiots. Le livre de Dambisa Moyo sur l’inutilité de l’aide extérieure a attiré l’attention de beaucoup de monde. Il a été excessivement loué à mon avis car, l’auteur faisant partie du système, convainc très faiblement sur la manière de le changer. Elle n’a fait que toucher la pointe de l’iceberg du nouveau colonialisme. Le livre a, par contre, éclipsé le débat sur un autre qui porte un titre très éloquent : Les confessions d’un tueur à gages économique (The confessions of an economic hit man). L’auteur de ce dernier étale les entrailles de l’aide extérieure et n’hésite pas à la qualifier de colonialisme. J’en parle ici parce qu’il explique comment les puissances étrangères et leurs organismes internationaux utilisent les « tueurs à gages économiques » dans cette nouvelle colonisation. Quand ceux-ci échouent, ils recourent à ceux qu’il appelle les chacals “des services secrets” sous couvert de techniciens qui n’hésitent pas à semer plus de chaos. Quand ils échouent, on recourt aux forces armées. Les forces armées se chargent de détruire comme nous l'avons vu en Bosnie-Herzégovine, en Afganistan, en Iraq, etc... Rappellez-vous qu'Obama a fait une campagne électorale centrée sur un retrait progressif de troupes, vous savez où. Il ne peut pas le faire, et si un jour il le fait, je parie que les français enverront des casques bleus... L’armée de l’ONU fait le même travail : défendre les intérêts des puissances qui la paient, d’où son attachement à créer des jobs. C’est d’après tout ceci que la lune de miel se montre assez empoisonante.
On s’est écarté de la lune de miel là, mais revenons-y. Pendant que le rapprochement RDC-Rwanda est en forme, le chaos en RDC se porte aussi à merveille. Certains bonzes de la communauté internationale en ont marre du statu quo que Kabila veut maintenir. La franchise du flamand le plus abhorré par les kabilistes fait encore jaser les forums sur internet. En réalité, le discours de Karel de Gutcht au parlement européen montre qu’il y a une division claire au sein de la communauté internationale. Il y a le camp de ceux qui soutiennent l’alliance entre le Rwanda et la RDC, et ceux qui ne la soutiennent plus parce que conscients de son échec présent et à venir. Je dis qui ne la « soutiennent plus » car en janvier dernier tous l’ont applaudie quand nous la décriions. La seule chose incorrecte que Karel de Gutcht ait dite c’est que le rapprochement entre la RDC et le Rwanda est nécessaire à la paix au Kivu. C’est incorrect car il y a un élément substantiel délibérément omis, mais que tout le monde reconnait, même si c’est souvent hors de la portée des media. Cet élément, vous le dévinez bien c’est Laurent Nkunda et sa cause qui, du reste, dénonce depuis le lendemain de SUN CITY exactement la même chose que dénonce Karel de Gutcht : l’ineptie, la kléptocratie, la corruption du leadership qui fait qu’il soit impossible de travailler avec une volonté politique requise par les questions politiques irrésolues de la RDC et dont le Kivu est la clé. La RDC et le Rwanda peuvent se rapprocher autant qu’ils veulent, mais sans Nkunda, ils n’avanceront pas et les vautours continueront à déchiqueter notre peuple.
Même s’il oublie l’élément le plus substantif de la paix à l’Est de la RDC, Karel de Gutcht a cependant bien fait de suspendre l’aide à la CEPGL : l’interlocuteur valable qu’il cherche pour dénouer le nœud du conflit se trouve juste à côté dans une résidence surveillée à KGL. Je comprends que de Gutcht soit fatigué de Kabila!! Ce gars ferme les yeux sur un drame qui compromet tant de générations. Hier encore il recevait Bosco Ntaganda à 5h du matin (en cachette, hein !) pour le sermonner. Il lui a carrément demandé de retirer son administration parallèle, ce que Bosco ne fera pas car on ne brule pas son grenier juste pour complaire un jeune homme capricieux. Fini les barrières de taxation, dans le cas contraire le rais a rappelé à Ntaganda qu’il ne peut pas continuer de le couvrir contre la Haye s’il continue à gérer le Masisi comme sa propre république. Cette carte, celle de la Haye, là Kabila finira par la jouer à cause de la pression internationale. Les rwandais ne l'en empêcheront pas parce que, pour eux, c'est mieux de faire sauter Ntaganda pour plaquer les activistes des droits de l'homme et ainsi se protéger soi-même, plutôt que de risquer autre chose dont nous parlerons un jour. A Gafisi le rais aurait promis les mêmes sornettes de toujours: des postes dans un ultérieur et improbable remaniement ministériel !
Avec tout cela, on ne peut pas finir sans parler de la réalité sur terrain. L’appui à Laurent Nkunda grandit chaque jour qu’il passe en prison. L’appui militaire et populaire est indiscutable. L’équipe politique travaille à consolider cet appui, de tel sorte que ni le gouvernement ni le mouvement rwandais de Ntaganda ou Gafisi, n’ont jamais pu organiser un seul meeting populaire à Goma, Rutshuru ou Masisi. Les militaires qui ont rejoint Ntaganda au début de son insurrection sont en train de se révolter. Kabila ne pourra pas contenir tout ce qui peut arriver. Les rwandais qui continuent à lui faire payer la facture d’avoir arrêté trop tôt leur expédition au début de cette année sont aussi au bout de leur imagination. Gafisi n’est pas vraiment une trouvaille qui puisse faire de la différence, pas même s’il devenait ministre. Par ailleurs les rwandais ne savent plus quoi faire avec leur prisonnier. Ils feraient mieux de laisser la cour suprême l’acquitter pour aller faire son boulot. En attendant tenons bon car le moment de travailler à créer un leadership innovatif en RDC à partir du Kivu est bien proche.
No comments:
Post a Comment