Publié le 18/11/2008 à 10:13, mis à jour à 13:59
L'armée congolaise désemparée, son chef remplacé
Démoralisée après ses revers dans l'est du pays, l'armée congolaise s'est heurtée mardi à des alliés Mai Mai qui veulent qu'elle tienne ses positions et combatte les rebelles tutsis de Laurent Nkunda.
Militaires congolais quittant la ville de Kanyabayonga, dans l'est de la République démocratique du Congo. Après que l'armée a enregistré une série de défaites face aux rebelles tutsis du général dissident Laurent Nkunda, Joseph Kabila, le président congolais, a limogé le chef d'état-major de l'armée. (Reuters/Finbarr O'Reilly)
A Kinshasa, le président Joseph Kabila a limogé le chef d'état-major des armées, le général Dieudonné Kayembé, pour "changer de dynamique après les défaites", a déclaré un membre de l'entourage du chef de l'Etat. Kayembé a été remplacé par Didier Etumba, ancien chef des renseignements militaires, a annoncé la télévision congolaise.
Les troupes gouvernementales qui battaient en retraite après une offensive rebelle sur Kanyabayonga, dans l'est de la province du Nord-Kivu, ont été bloquées par des patriotes résistants congolais (Pareco), des miliciens Mai Mai alliés au pouvoir central.
"Nous les arrêtons et nous essayons de les forcer à repartir au front. C'est notre boulot. Nous ne comprenons pas comment ils peuvent fuir alors que les rebelles sont sur le point de prendre Kanyabayonga", a déclaré à Reuters le général Sikuli Lafontaine, le chef des Pareco. "Ces soldats sont des lâches. Ils ne font que fuir, puis violer et piller dans les villes".
Sur place, des témoins disent avoir vu les corps de militaires gouvernementaux et de miliciens Mai Mai.
Les officiers de l'armée régulière n'ont pas réagi à ces informations.
MÉFIANCE
Le gouvernement congolais, soutenu par ses alliés occidentaux, s'est efforcé de reconstruire une armée nationale à partir des éléments de l'armée gouvernementale et des factions rebelles ayant combattu lors de la guerre de 1998-2003, qui avait impliqué six pays africains.
Mais de vieilles allégeances, le manque d'entraînement et de discipline, l'habitude de s'emparer d'un butin lors des combats, ont fortement compliqué une tâche déjà difficile en raison des tensions ethniques qui minent l'est de la RDC (République démocratique du Congo).
Les soldats du rang se plaignent de ne pas être payés ou disent ne pas faire confiance à leurs supérieurs. Un officier interrogé à Luofu, près de Kirumba, a dressé une longue liste de doléances, sous le sceau de l'anonymat.
"Nos soldats sont en colère. Nous n'avons pas reçu d'argent depuis un an (...). Quand l'argent ne vient pas, c'est comme si on tirait à l'arme lourde contre nous. Nos blessés ne sont pas soignés et nous ne sommes pas assez nourris", a-t-il dit.
Il a ajouté que les soldats n'avaient aucune confiance dans le chef de l'armée de terre, le général Gabriel Amisi, connu aussi sous le nom de "Tango Four", car c'est un ancien camarade de Laurent Nkunda, issu comme lui des rangs du Rassemblement congolais pour la démocratie, le RCD, soutenu par le Rwanda pendant la guerre de 1998-2003.
"Nous essayons de nous battre, mais ils se connaissent bien sur le plan politique", a souligné cet officier.
Le conflit du Nord-Kivu trouve son origine dans le génocide rwandais de 1994, quand les milices hutus ont tué 800.000 Tutsis et Hutus modérés avant de fuir dans l'est de la RDC.
Nkunda affirme que ses troupes protègent la minorité tutsie en RDC et accuse Joseph Kabila de s'appuyer sur les combattants hutus des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda) pour le combattre. Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir Nkunda.
Le général mutiné s'est engagé dimanche au respect d'un cessez-le-feu dans la région, mais les combats se poursuivaient mardi à Kirumba et Kanya, non loin des rives du lac Edouard.
Kinshasa l'accuse de violer ses engagements, lui répond que l'armée se livre à des "provocations".
Version française Jean-Stéphane Brosse
http://www.lexpress.fr/actualites/2/l-armee-congolaise-desemparee-son-chef-remplace_81893.html